“C’est de l’affichage politique, de la communication.” C’est en substance ce qui est ressorti des débats à Tarahoi ce lundi, suite à l’adoption du texte venant créer un nouveau fonds spécial destiné à regrouper et financer l’ensemble des dispositifs – certains existant déjà – liés à la lutte contre la vie chère : fret international des PPN, continuité territoriale, aides aux ménages modestes avec des cartes de réduction, soutien du prix à la farine, dispositif Tama’a maita’i et fonctionnement de l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC). Ce fonds sera alimenté à hauteur de 4,132 milliards de francs dès 2026.
Premier à s’exprimer sur ce dossier, Nuihau Laurey (Ahip) a alerté d’emblée sur l’impact de ce nouveau fonds sur le FIP (Fonds intercommunal de péréquation), qui sera ponctionné à hauteur de 680 millions pour contribuer à son finanement (en plus des recettes issues de la TDLR et de droits de douane). Malgré un matelas confortable de 20 milliards de francs, Nuihau Laurey a rappelé que cette réserve, renforcée après la crise de 2010, est cruciale pour maintenir la capacité d’investissement des communes. Le fonds est donc, selon lui, “limitatif” et risque de “fragiliser le FIP”.
“La cherté de la vie héritée de la colonisation”
Au sein de la majorité, Ueva Hamblin (Tavini) a livré un discours politique et contradictoire. L’élu indépendantiste a d’abord imputé la cherté de la vie à l’histoire coloniale de la Polynésie et aux structures économiques héritées. “Une économie de comptoir, orientée vers l’importation massive, contrôlée par quelques groupes oligopolistiques, où le consommateur polynésien paie des produits qui, ailleurs, coûtent deux, trois, quatre fois moins cher”, a-t-il lancé, droit dans les bottes de la ligne politique du Tavini. Saluant timidement d’un côté ce fonds comme “un outil”, un “levier” pour permettre au gouvernement d’agir sur les prix, il admet par ailleurs qu’il ne “ne résoudra pas, à lui seul, la question de la cherté de la vie”. D’autant qu’il a également regretté que “la plupart des 4 milliards soient absorbés par les frais de gestion”, puisque les dispositifs fret PPN et Tama’a maita’i seront externalisés, et demandé un rapport annuel pour que les élus puissent contrôler l’utilisation du fonds.
Pour l’opposition, c’est de l’affichage pur et simple. Le représentant Tapura Simplicio Lissant, tāvana de Punaauia, a dénoncé l’effet limité des mesures concrètes sur le pouvoir d’achat des Polynésiens, en particulier les cartes de réduction pour les ménages modestes : “Vous allez distribuer des cartes à environ 10.000 personnes sur une vingtaine de produits, avec une remise de 10 % dans la limite de 30.000 francs par mois. Quelle abondance de pouvoir d’achat que de bénéficier de 3.000 francs de remise mensuelle”, a-t-il ironisé avant d’interroger le ministre sur sa volonté initiale de supprimer les PPN pour privilégier des accords de modération avec les entreprises locales et sur le suivi des recommandations du colloque sur la vie chère organisé à l’assemblée.
Warren Dexter tempère et rassure
Édouard Fritch, président du Tapura et maire de Pirae, a concentré son intervention sur la ponction du FIP : pour lui, le nouveau fonds du gouvernement est un dispositif “vitrine” qui détourne une partie des ressources prévues pour les communes et ne changera rien au niveau des prix pour les consommateurs. “Subventionner un peu plus le fret ou l’APC ne changera rien aux structures de marché. Cette réserve a été constituée pour éviter de replonger les communes dans les difficultés de 2010.”
Après ces interventions, le ministre de l’Économie Warren Dexter a répondu avec son flegme habituel, reconnaissant le “message de prudence” énoncé par les élus, tout en soulignant la flexibilité du dispositif : “Quand on crée un fonds spécial, il faut s’assurer que la santé du Pays est bonne et que l’on ne fragilise pas le FIP. Ce que nous faisons aujourd’hui, on peut le défaire demain.” Il a également ajouté que le gouvernement travaille sur la création d’un fonds vert, destiné à la coopération et à la gestion des déchets, qui sera financé par la fusion de plusieurs taxes : “L’année prochaine, vous pouvez aussi travailler sur la mise en place d’un fonds vert […] qui va être l’objet de la fusions de plusieurs taxes”, a-t-il précisé, soulignant que ce nouveau dispositif sera conçu pour ne pas affecter la stabilité du FIP.
Où iront les 4 milliards ?
Le gouvernement a détaillé l’affectation des 4,132 milliards de francs du nouveau fonds, qui regroupe les dispositifs visant à lutter contre la vie chère et à soutenir la concurrence. Warren Dexter a insisté sur la lisibilité et la transparence de ce financement : “Quand on met ces mesures dans un fonds spécial, ça devient visible pour la population : chacun peut savoir quelles actions sont financées et avec quels moyens”, a-t-il expliqué.
• 1,2 milliard de francs : fret international des PPN
• 1,2 milliard de francs : continuité territoriale inter-archipels
• 950 millions de francs : soutien à la farine
• 590 millions de francs : dispositif Tama’a maita’i
• 360 millions de francs : aides pour les ménages modestes
• 50 millions de francs : Autorité polynésienne de la concurrence





































